JE NE SUIS PAS VIELLE !!!!

Ouais, mais être ma tata, ça vieillit !

(Même si tu es plus jeune que moi...)

Hé. J'ai douze ans. Ne me confonds pas avec d'autres, j'ai beau être ta tante, je suis plus jeune que toi sans doute ! Une ado ! (ce dont se plaint ma mère, mais ça, c’est autre chose. ;-) )

D'ailleurs, je me suis étouffée parce que le chocolat était trop chaud. et c'est ce que j'ai recraché, figures-toi.

On ne va pas commencer à se disputer maintenant... si ?

Je suis toute jeune !

^^

Comme pour confirmer la pensée de ma tata, c'est ce moment là que je déboule dans le salon, sans rien dire, avant de me ruer vers la bibliothèque.

Je la vois bien, la tatie qui me fait les gros yeux parce je lui ai pas dit bonjour ! Eh bah c'est pas grave ! J'en ai ma claque, moi, des vieilles tatas grincheuses qu'il faut accompagner partout en leur tenant le bras, en les écoutant raconter pour la centième fois de leur premier baiser à 35 ans !

Du coup, la meilleure solution, c'est de les ignorer. Rien à faire, de la tatie. Bon, après, Maman me fait la morale parce que, oui, d'accord, elles sont pas si vieille que ça, que je n'ai droit d'insulter que Fifi car elle est morte. Mais c'est pas méga drôle, d'injurier ces pauvres non-vivants qui n'ont rien fait. J'aurai l'impression de parler toute seule.

Bref, j'étais en train de chercher un bouquin qui pourrait, possiblement, j'espère, me passionner (je ne lis, je me passionne) quand la tata a commencé à s'étouffer. Moi, je pensais qu'elle faisait son intéressante, et je n'ai pas broncher.

C'est seulement deux minutes et soixante-quatorze secondes plus tard que j'ai commencé à réagir à l'ouragan multiplié à un cyclone (c'est PAS la même chose. La preuve, y'a deux mots) qui s'arrachait les poumons derrière moi. La tatie, elle était devenue toute bleue, ce qui n'est pas très avantageux, surtout quand on a un corps tout rabougri. Du coup j'ai mollement appelé au secours.

Comme personne ne venait, évidemment, j'ai essayé un massage cardiaque sur la tata. J'ai eu du mal à trouvé le thorax, je peux vous le dire. Quand j'ai réussi à trouver une partie de son corps ressemblant à un ventre, j'ai commencé le massage et je me suis pris, en prime d'un tornade x1000, un déluge de postillon (qui a duré 40 jours et 40 nuits, oui oui) et j'ai abandonné.

Et c'est là que

C’est la première fois que je suis seule dans cette pièce; d’habitude, elle est toujours pleine de cris.

Je savoure ces murs couverts de dessins des membres de la famille, de plans.

Je regarde avec émotion ces fauteuils disposés autour de la cheminée. Ils sont pour tous les goûts : satin, cuir, velours, bois, plastique... un feu crépite tout le temps. je rajoute une bûche.

Je me retourne. Il y a ici une vitrine, avec des objets familiaux ou des livres importants. Une grande table où chacun a un siège. Il y a parfois des décisions à prendre, et c'est ici que cela se fait.

Chaque personne a son siège préféré ici. j'en choisis un, en bois foncé, recouvert de velours rouge. je cale un coussin sous ma tête, je ferme les yeux pour me laisser envahir par la musique douce et timide qui règne ici quand c'est calme. Je prend un livre posé sur la table basse, et à côté, une tasse de chocolat chaud.

Je suis bien. Mais je sais que beaucoup de gens ne vont pas tarder à arriver...